Un jour, des voitures… basques ?

Nov 2, 2021 | À la une, Actus, La fabrique de Young

Le Pays basque peut évoquer beaucoup de choses : le béret, les espadrilles, la pelote, l’ardi gasna, le piment d’Espelette, l’Aviron bayonnais ou le surf, mais sûrement pas l’automobile. Pourtant, en cherchant bien…

A la fin des années 1950, à l’apogée du clinquant à l’américaine, Cadillac utilise le nom de la station balnéaire la plus chic de la côté basque, Biarritz, comme niveau de finition supérieur de son exubérante Eldorado. Le nom a perduré jusqu’en 1991 en tant qu’option de luxe sans que la plupart des clients ne sachent sans doute où se trouve Biarritz, pas plus d’ailleurs que Séville, autre nom de ville longtemps utilisé par Cadillac…

Présenté fin 2020, le « crossover » urbain Hyundai Bayon évoque phonétiquement Bayonne, capitale de la province basque du Labourd, située dans le 64… Les journalistes n’ont pas manqué de relever cet insolite clin d’œil local en ces temps de globalisation et d’anglicisation forcenés. Des essais presse ont même eu lieu du cœur de Bayonne aux lacets des cols de Basse Navarre, au milieu des brebis et des pottoks… Sauf que le Bayon, pur produit mondialisé fabriqué à Ismir en Turquie, porte littéralement le nom d’un temple d’Ankhor Thom, au Cambodge, et n’a de fait aucun lien concret avec le Pays basque comme on s’en doute…

Ce n’est pas le cas du fourgon Mercedes Vito qui tire son patronyme de la ville de Vitoria-Gasteiz, où il est fabriqué depuis 1996. Vitoria-Gasteiz est la capitale de la province basque de l’Alava, côté espagnol ou côté sud comme disent la plupart des autochtones pour qui les terres bascophones situées de part et d’autres de la frontière franco-espagnole forment une seule et même nation. Le dit Vito aurait dû même s’appeler Vitoria, mais le nom a été déposé par Seat, lequel a l’habitude de donner des noms de lieux ou de villes de la péninsule ibérique à ses modèles (Ronda, Ibiza, Marbella, Malaga, Alhambra, etc.)

Concrètement, il y a longtemps que l’on fabrique des utilitaires à Vitoria. Dès 1954, la société locale Imosa commence à assembler sous licence Auto Union le DKW « Schnellaster ». Un petit fourgon étroit à traction avant, bien adapté aux ruelles médiévales locales, et que motorise un bicylindre deux temps de… 20 ch ! Poussé au fil des ans jusqu’à 32 ch (!), l’engin croquignolet mais vétuste porte les anneaux d’Auto Union barrés par la mention de « DKW – Imosa ».

Il est remplacé à partir de 1963 par le F1000 à carrosserie parallélépipédique dessinée par l’italien Fissore, dont Imosa obtient l’exclusivité de la production auprès d’Auto Union, tout en conservant un moteur DKW deux temps, cette fois-ci à trois cylindres et développant 40 ch. Une version à moteur diésel Mercedes, le F1000 D, apparaît vite cependant. Mercedes, comme Volkswagen, qui rachète au premier l’ancien groupe Auto Union, nourrissent des projets industriels au Pays basque. L’Etat espagnol conserve toutefois des intérêts dans les diverses sociétés via la holding Instituo Nacional de Industria. En 1972, les deux géants allemands prennent simplement part dans la nouvelle société Memosa, successeur d’Imosa, mais Mercedes rachète la part de son concurrent en 1976 et prend le contrôle en 1980 de ce qu’il faudra bientôt appeler Mercedes-Benz España SA.

Depuis 1976, le DKW-Imosa F1000 est devenu Mercedes-Benz N1000 ou 1300, soit le premier véhicule de l’étoile à traction avant ! Cette génération, inconnue en France, cède la place en 1986 au très rectiligne Mercedes série MB 100, l’ancêtre du Vito, que l’on a en revanche croisé sur nos routes. Si nous ne connaissons que le MB 100 D, il a existé des variantes MB 120, 140 ou 180 pour l’Espagne ou l’Allemagne et pas seulement en configuration fourgon. Cette famille possède comme tous ses ancêtres assemblés à Vitoria des roues avant motrices, une caractéristique encore insolite pour Mercedes à l’époque que la seconde génération de Vito a temporairement abandonné entre 2003 et 2014.

Au nord des Pyrénées, le Pays basque ne comporte pas ou peu d’industrie. Une chance pour la beauté des paysages, le tourisme… et les photographes de presse ! Pour l’année-modèle 1978, Citroën fait poser la GS Pallas dans le port de Socoa, face au fort du même nom et face à Ciboure, dans la superbe baie de Saint-Jean de Luz. Un décor de rêve utilisé bien plus tard par Thierry Astier et Katel Rioux pour le regretté magazine Chevronnés…

L’essor du régionalisme nourrit une petit économie locale, en lien avec le tourisme, le sport et le mode de vie qui va avec. En résultent d’insolites accords de co-marquages. Coutumier du fait avec Roland Garros, Eden Park ou Quicksilver, Peugeot s’associe fin 2008 à la marque de vêtements « 64 », basée à Guéthary et portant le numéro de département des Pyrénées-Atlantiques, le temps d’une série limitée de 207. Une seconde série « 64 » est lancée un an plus tard. Les photographes de presse mettent en scène l’auto dans des décors typiquement basques bien qu’elle ne comporte aucune référence explicite à la culture locale hormis un logo « 64 » entouré d’un cercle. Du reste, les facétieux rappelleront que les Pyrénées-Atlantiques regroupent aussi bien le Pays basque nord que le Béarn non bascophone…

Fin 2014, Citroën ose afficher les couleurs du drapeau basque, l’ikurriña, sur le toit de la très parisienne DS3 pour un programme de personnalisation de la voiture. Celui-ci comporte huit autres décors régionaux : beffrois du Nord, bretzels alsaciens, blason savoyard, tête de Maure, croix occitane, grappes de raisin, symbole breton, arc de Triomphe et tour Eiffel. L’opération se limite à la pose d’un film adhésif sur le pavillon de la DS3, moyennant 490 euros et une heure de main d’œuvre. Impossible de ne pas faire le rapprochement entre le drapeau basque et l’Union Flag britannique (par ailleurs fort ressemblant !) que Rover puis BMW apposent sur le toit et les coques de rétroviseurs des Mini depuis 1997 !

L’initiative régionaliste de Citroën/DS n’a semble-t-il pas rencontré le succès et n’a pas connu de suite alors que l’Union Flag est devenu un élément du design fort réussi des feux arrière de Mini. Il n’y a peut-être que les Anglais pour faire de leur étendard une « marque » et un produit de consommation suffisamment non-clivant et non-connoté pour se vendre partout dans le monde…

Texte Laurent Berreterot

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