Un jour, une voiture : Citroën C6

Juil 14, 2021 | À la une, Actus, La fabrique de Young

Citroën réalise un beau coup médiatique le 14 juillet 2005 lorsque la C6, pas encore commercialisée, est étrennée par le président Jacques Chirac sur les Champs Élysées devant des millions de téléspectateurs…

Cette rutilante C6 V6 HDI bleu Mauritius intérieur cuir noir, blindée par la société Centigon, a été mise en circulation le 12 juillet 2005 précise Étienne Roux dans son excellent ouvrage consacré aux Voitures de Présidents. Avec elle, le groupe PSA inaugure un nouveau type de placement-produit qu’il poursuivra sous les président suivants avec les DS5 et DS7. Tout comme la fameuse CX 25 Prestige Turbo rendue célèbre au soir de l’élection de Jacques Chirac, le 7 mai 1995, l’immatriculation de cette C6 commençant par 19 fait un clin d’œil à l’ancien fief corrézien du président. Après « 19 FLX 75 », « 19 QGS 75 ». S’y ajoutera en septembre 2006 une autre C6 bleu Mauritius, immatriculée « 19 RAA 75 ». Je me souviens bien de ma surprise lorsque la voiture s’est avancée devant la tribune présidentielle à l’issue du défilé militaire. Le nouveau fleuron automobile français n’est certes pas un inconnu puisque Citroën l’a déjà dévoilé en mars 2005 à Genève, mais la commercialisation ne doit débuter officiellement qu’en novembre. Il s’agit en réalité d’un exemplaire de présérie. Dans un souci calculé d’exclusivité, d’autres clients du microcosme du pouvoir parisien comme Laurence Parisot, bénéficieront d’une C6 avant les citoyens ordinaires…

 

 

 

 

 

 

Le traumatisme du lancement précipité de la XM et son invraisemblable série de dysfonctionnements est encore dans les mémoires et Citroën a pris le temps nécessaire à mettre sur le marché un produit sans défaut. Un peu trop peut-être. La C6, on en parle en effet depuis 1999 et la présentation du prototype C6 Lignage au salon de Genève. Un moment clé dans la réconciliation de Citroën avec son passé après les reniements des années 1980 (voir rubrique Génération dans Youngtimers n°116). Si le nom fait écho à l’(A)C6 de 1928/29, premier modèle à 6-cylindres de la marque, son profil de Zeppelin, dessiné par Marc Pinson, s’inspire de la CX, dernière grande Citroën à avoir connu le succès. Sans doute la plus intemporelle de toutes puisque sa ligne fuselée, étrangement similaire à la Berline Aérodynamique Pininfarina de 1967, servira encore de référence en 2016 à l’étude CXperience ! Les portes arrière antagonistes et les vitres de toit en chevrons sont irréalistes mais la C6 de série va conserver, elle, les proportions du prototype, même si elle ne partage avec lui aucune pièce de carrosserie.

Elle met six ans à se montrer. Le projet, que porte à bout de bras le président de la marque Claude Satinet, ne fait pas l’unanimité en interne et se trouve un temps gelé au profit de la C4 bien plus vitale. La C6 n’arrive donc en concession que le 16 novembre 2005 en deux motorisations V6, essence et HDI, boîte automatique séquentielle à 6 vitesses et trois finitions Base, Lignage et Exclusive. Un 4- cylindres 2.2 HDI 173 ch en boîte manuelle 6 vitesses s’y ajoute en septembre 2006 sur les trois finitions. Le lancement a pris tellement de retard que la C6 est déjà dans l’âge mûr. Elle pâtit aussi de la faiblesse du budget alloué à son développement. Que d’économies trop visibles, choquantes pour une voiture certes bien équipée mais vendue jusqu’à plus de 50.000 euros ! Elle connaît pourtant un certain élan de curiosité international. Et pour cause, elle symbolise l’alternative française à la pensée unique des grandes berlines allemandes. De la forme fuselée de son épure aux fameux phares directionnels, des portières sans encadrement de vitre à l’usine à gaz tapie sous l’immense capot baleinier, tout dans cette C6 rappelle ce futurisme mêlé de cachet vieille France qui a réuni hommes politiques, grands bourgeois et jeunes loubards sur la banquette des DS. L’émission Fifth Gear présente d’ailleurs la C6 dans une libre adaptation de l’attentat du Petit Clamart avec Tiff Niddle au volant. Jeremy Clarkson, qui avoue avoir aimé la folie des CX, la met en scène dans un de ses comparatifs absurdes dont Top Gear a le secret. Une BMW série 5 et une Citroën C6 sont réquisitionnées pour couvrir une course de chevaux, une caméra attachée sur le toit. But de l’expérience éminemment scientifique : prouver l’exceptionnelle stabilité de la suspension hydromatico-compliquée.

On connaît la suite. Citroën prévoyait de vendre 20.000 C6 en année pleine. Il a fallu 5 ans pour atteindre ce chiffre. A l’usine de Rennes-la-Janais, la production journalière initialement prévue de 100 véhicules par jour tombe à 2 véhicules quotidiens en 2011. « Juste pour que l’on se rappelle où se trouvent les pièces pour la monter », confie un syndicaliste à la presse. Des cadences inférieures à celles de Bentley et Rolls-Royce ! L’annonce de la fin de fabrication, fixée le 19 décembre 2012, nourrit une certaine émotion médiatique. Car la C6, on le sait depuis 2010, n’aura pas de remplaçante. On salue la fin de l’ultime limousine française mais aussi celle de la dernière grande Citroën, la DS5, sans V6 ni Hydractive, ne trompant pas le connaisseur. On descendra encore plus bas avec la DS9 fabriquée en Chine. Injustifiable et indéfendable quand on prétend « incarner le luxe à la française » ! Imagine-t-on un seul instant un vin de Bordeaux vendangé et mis en bouteille à l’autre bout de la planète ?

« 19 QGS 75 », la C6 du 14 juillet 2005, a servi de la Chiraquie à la Hollandie, jusqu’à sa réforme en 2016. Son alter-ego « 19 RAA 75 » a connu un quatrième président, Emmanuel Macron, ce qui en fait l’un des véhicules présidentiels ayant eu la plus longue carrière, hors limousines d’apparat. Ces deux C6 siamoises ont été ré-immatriculées en 2007 sous Nicolas Sarkozy en « 665 QXZ 75 » et « 641 QXZ 75 ». Pour faire disparaître tout référence au précédent locataire de l’Élysée ? Ou pour mieux tuer le Père ? La plus ancienne a retrouvé la Corrèze en 2019 lors d’une exposition au musée du président Chirac à Sarran (19). Elle a côtoyé pour l’occasion la Safrane V6 rallongée « 19 LJZ 75 » et la CX 25 Prestige Turbo « 19 FLX 75 », résidente permanente du musée, mais aussi.. la 205 GR rouge Féria ex-Bernadette  Chirac !

Texte : Laurent Berreterot

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