[Les tiroirs de l’insolite] Honda Concerto TD : Le diesel sans l’aimer…

Avr 16, 2020 | À la une, Actus, La fabrique de Young

Longtemps réfractaire au diesel, Honda a attendu 1994 pour se plier à la réalité d’un marché français où une voiture neuve sur deux fonctionne alors au gazole. La firme japonaise n’y consent d’abord que du bout des lèvres avec un moteur PSA et une Concerto qui n’est pas tout à fait une Honda…

Par Laurent Berreterot

Singularité européenne, la diésélisation des voitures de tourisme prend sa source entre les deux chocs pétroliers et représente déjà presque 50 % du marché de première main au milieu des années 1990, en France ou en Italie. Bien que très étrangers au phénomène, Datsun/Nissan, Toyota et Mazda comprennent que la conquête de l’Europe passe notamment par le diesel. Les premières berlines « mazout » nippones, comme l’incassable Datsun 280 C 6-cylindres, débarquent en France au début des années 1980. Honda, par contre, s’y refuse, le moteur à huile lourde n’étant vraiment pas dans la culture d’un constructeur connu pour ses petits moteurs à essence pointus et brillants. Au contraire, Honda présente en 1993 une alternative au diesel : la Civic VEi. Basée sur une Civic de quatrième génération trois ou quatre portes, elle utilise la version économique du système d’admission variable VTEC, le VTEC-E.

Pour faire court, son 4-cylindres 1,5 l 16 soupapes de 90 ch ne fonctionne qu’avec une soupape d’admission par cylindre en-deçà de 2 500 tr/min. La deuxième ne s’ouvre qu’au-delà, le mélange air-essence étant modifié en conséquence. Tout cela avec un seul arbre à cames ! Le but initial du VTEC, inauguré en deux-roues puis sur la NSX, était d’optimiser le fonctionnement du moteur à haut régime. Ici, c’est l’inverse que l’on recherche, au profit bien sûr de la consommation. Théoriquement, la Civic VEi consomme en moyenne 2 litres aux 100 km de moins en ville qu’une ESi de cylindrée et puissance identiques ou 1 litre de moins à 90 km/h stabilisés, soit 4,5 litres aux 100 km, une valeur digne d’une 306 D-turbo. Et la publicité de présenter la Civic VEi comme l’ « anti-diesel » dans les quotidiens et sur les panneaux d’affichage !


Un an plus tard, contre toutes attentes, Honda présente sa première diesel, la Concerto TD ! A la différence de la Civic, fabriquée à Suzuka, la Concerto vient de l’usine britannique de Longbridge qu’elle partage depuis 1989 avec ses presque jumelles, les Rover séries 200 (bicorps) et 400 (tricorps). Elle résulte d’une déjà longue collaboration actée en 1979. L’ex-empire British Leyland, devenu Rover Group, y a vu l’intérêt d’endiguer son déclin industriel et Honda, de contourner, à terme, les mesure protectionnistes anti-nippones dressées par l’Union Européenne. Si la Triumph Acclaim puis la première Rover série 200 n’étaient que des clones de la Honda Ballade, la version tricorps de la Civic, la Honda Concerto diffère des Rover par ses pare-chocs, emboutis d’aile avant, capot et feux arrière. Les Rover se veulent plus chics avec leurs bandeaux de vrai bois bien intégrés, leurs cuirs clairs optionnels et, en phase 2, une calandre pastiche chromée à la mode néoclassique. La plupart des moteurs aussi diffèrent. Hormis les blocs « D16 » 1 590 cm³ d’origine Honda, Rover a ses propres blocs 1 396 cm³ série « K » 8 et 16 soupapes ainsi qu’un 2 litres série « M » pur british. Et surtout, depuis 1991, un diesel PSA (qui fournit déjà sa boîte MA aux blocs K) interdit à Honda, le « XUD7 TE » (1 769 cm³ / 88 ch) bien connu des BX et 405. Celles-ci ont cartonné au Royaume-Uni et même Jeremy Clarkson en aurait dit du bien ! Rover ne persiste toutefois pas (du moins pour un temps) dans la voie du diesel à injection directe où les Maestro/Montego avaient innové (parallèlement à Fiat) avec leur Perkins Prima 2 litres britannique. Il est vrai que les XUD à injection classique indirecte font alors figure de références en Europe. L’usine de Trémery, en Moselle, tourne à plein et fournit petits et grands constructeurs dépourvus de l’indispensable diesel : Hobbycar, Lada, FSO, Sukuki ou… Honda !

Le tour de passe-passe Rover-Honda était en effet fort tentant sachant qu’en 1993, Honda a vendu cinq fois moins de Concerto en France que Rover de 200/400, ces séries étant portées par une politique commerciale très agressive (qui n’a pas reçu de livret promotionnel Rover dans sa boîte aux lettres ?) et une part de diesel s’élevant à 80 % des ventes. D’où la Concerto TD que Honda commercialise à la mi-94 dans les pays les plus diésélisés d’Europe : France, Italie et Portugal, Le client est roi mais le procédé un peu expéditif. Car la TD ne partage aucune des particularités esthétiques de ses sœurs à essence. Et pour cause, il ne s’agit que d’une Rover 218 SD/SLD Turbo hâtivement grimée de monogrammes et enjoliveurs Honda ! Même l’ébénisterie de la Rover subsiste à bord ! Honda France ne s’en cache, il ne s’agissait que d’un « test » à bon compte. Un test concluant puisque 94 % des Concerto vendues en France en 1995 vont carburer au gazole. Très ironiquement, c’est grâce au groupe de Jacques Calvet, resté fameux pour son combat anti-constructeurs japonais, que le nippon Honda accède à la motorisation reine du marché français !

Le péril reste toutefois fort limité car la Concerto arrive en toute fin de carrière. Les quelques essais publiés saluent des prestations « dans la norme », sans plus, un amortissement perfectible et une insonorisation devenue moyenne. La principale qualité de la TD réside dans son rapport prix/équipement compétitif et une fiabilité remarquable pour une anglaise principalement conçue au Japon. Ou l’inverse ? Les versions essence, dont la production s’arrête même avant celle de la TD, cèdent la place courant 1995 à une nouvelle Civic 5 portes issue de la Domani japonaise. Toujours fabriquée en Angleterre, elle sort désormais de l’usine 100 % Honda de Swindon qui assemble déjà l’Accord. Elle diffère des Civic 3 et 4 portes importées du Japon (comprend qui peu !) et propose l’alternative entre le moteur VTEC – E et un 2 litres diesel à injection directe série « L » issu du Perkins Prima anglais !

Le premier moteur diesel 100 % Honda, un 2,2 l i-CTDi de 140 ch fort bien accueilli, ne sortira que fin 2003 sur l’Accord de septième génération. Le moteur à huile lourde atteint alors 67 % des immatriculations de voitures neuves en France…

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